Chroniques du Pied Gauche -1- Réveil
(ou: Le destin est Prof)
Y'a des jours comme ça. C'est le bordel. Tout part en cacahouète, en freestyle, en vrille, en couille quoi! On sdit toujours que ça peut pas être pire ... rigole! Ca svoit que toi, t'as pas deux pieds gauches, autant dire que t'es pas mal barré dans la vie et que c'est pas toi qui va se débattre avec le destin toute la journée! Un farceur ce destin, un rigolo ... un sacré con! Et c'est un peu comme les profs ... il a ses têtes! C'est tout de suite vachement plus drôle de se foutre de la gueule de celui qui va râler, qu'est déjà pas bien débrouillard et qu'en plus on le fait chier. Bah voilà. Le destin est prof! Loin de moi l'idée de faire des enseignants l'instrument du divin, mais quand même ... fait chier!
Pourtant, après quelques années à me faire avoir, j'ai commencé à comprendre la technique, à mettre au point des feintes, des magouilles, des petits trucs pas trop cons pour esquiver les pièges tendu par le destin. Mais tel Coyotte tentant de se montrer plus malin que le Volatile, toutes mes tentatives semblent vouées à l'échec (et pourtant c'est pas faute d'avoir essayé, jvous ldis!). C'est ainsi que, malgré avoir mis mon réveil à sonner une heure en avance, en mode "jfaischiertouteslescinqminutes", le son à en crever les tympans d'un sourd, ajouté à ça le portable dans les mêmes conditions, caché de l'autre côté de la pièce pour m'inciter à me lever loin et à chercher ... rien. Le réveil sonne. Fort. Très fort. Trop Fort. Je me lève. Vite. Trop Vite. Tellement vite que mon corps en oublie derrière lui ledit instrument de mon éveil: la matière grise qui git, abandonnée, échouée entre l'édredon et l'oreiller. Une seule solution: retourner la chercher. "5 minutes ça fait pas de mal" qu'elle me dit "t'as le temps!". Faible, influençable, mon corps se laisse donc berner par cette petite voix fourbe s'échappant de la couette et là c'est la fin. Kidnappée, malmenée, aspirée, ligotée, tous se liguent à me retenir prisonnière contre mon gré. Je m'évanoui sous les mauvais traitements, victime que je suis, jusqu'à ce que ... "Putain c'est pas bientôt fini?!" O_o' Effrayés, se défilant tels des pleutres menacés de sévices, leur étreinte se relâche pour me laisser seule face à la voix tonitruante qui tambourine contre le mur (les fils de lâches...). Prise de conscience. Merde. Merde, merde, merde! Putain de bordel de merde! Putain de putain de ... fais chier! Moment d'égarement. Si peu de temps, tant de choses à faire. Tout se chamboule là-haut, ça pêtarade, tout part à vau-l'eau ... que faire? Mon pied droit va vers la commode, le gauche vers la douche, ma main se tend vers la cafetière et l'autre attrape une clope tandis que mes yeux restent rivés, exorbités, sur les gros chiffres verts qui me brûlent la rétine. Merde. Merde, merde, merde. Dans ces conditions, il n'y a qu'une seule chose à faire. Le genou mou, le corps retournant à l'état sauvage, je m'échoue telle une baleine sur le lit que je viens de quitter. Remettre tout en place selon le niveau de priorité, rester calme, déjà en retard, faudrait pas que je me fatigue en plus. Clope. Café-Clope. Tout individu saint de corps et d'esprit ne peut être décent tant qu'il n'est pas en phase avec lui-même. Première étape, rétablir la symbiose corps-esprit. Mfaudra un deuxième café. Plus tard. Après la douche.
Les idées enfin claires,je colle le jambon dans la cocotte, ressortant rouge comme un homard, j'ai pris mon temps, normal faut que j'émerge, et pas de détente sans en prendre le temps! Après plusieurs tentatives pour sortir de mon bocal je m'élance, tel une gazelle, bravant le froid entravant ma peau de bébé pour revêtir mes plus beaux atours ... putaindemerdeoùsontmesfringues? Bah oui, sinon ce serait pas drôle. Me voilà donc qui courre, nue comme un vers luisant irradié, irritée comme un porc épic, parce qu'évidemment la commode elle est pas dans la salle de bain! Jprends le premier truc, ça c'est bien, ça couvre et me laisse aller à une partie artistique, où les couleurs importent peu, om je mets à bas styles et carcan du conformisme de la mode (jtiens à m'excuser auprès de Jean-Paul Gauthier, Dior et autres géants de la haute, c'était pas de la provocation mais bon ... j'ai pas vraiment le dieu de la mode de mon côté quand j'ai la tête dans le cul! ) Deuxième Café. Ah. Ca c'était prévu dans le planning, j'y peux rien, faut toujours suivre la procédure, c'est ce qui fait de nous de bons soldats. Là faut smagner, sbouger, stortiller le fion parce que c'est bien beau mais y'a des impératifs dans la vie et mtartouiller le faciès pour mfaire moins moche ça en fait partie. Mais pas trop ... on irait dire que c'est ce qui m'a mise en retard ... allez ... un ptit peu ça fait dmal à personne, et surtout pas aux cernes ... faudrait pas qu'on aille dire que jsuis fatiguée ... mais pas trop ... on pourrait croire que j'ai roupillé jusqu'à pas d'heure ... . L'équilibre atteint, la perfection trouvée, place aux godillots qui gisent, éventrés sur la moquette délicatement parsemée de cendres argentées qui scintillent sous l'éclairage faiblard du néon dla kitchenette (plus ou moins) équipée. Là évidemment, une fois de plus ce serait pas fendard, tout est noué, chose à laquelle on ne pense pas suffisamment le soir: plier du genou, tendre les bras et démêler ce fatras de lacets. C'est ptèt' bête mais c'est surtout bêtement chiant. Alors ça finit que j'attaque avec les dents, grognant, haletant, prise d'une soudaine envie meurtrière. Saleté de pompes! Je les ai eues! Moi faut pas mchercher! Je passe la cavalcade dans l'escalier, les allers et retours dans l'ascenceur parce que les clopes sont là-haut et qu'au final non elles sont dans ma poche. Jpasse devant le voisin, enfin mon voisin et son regard dégueulasse ... enfin pas lui, lui il est loin de l'être mais son ptit coup d'oeil jte l'ai capté de suite, celui qui veut dire "héhé ... je sais" ... le voisin ... toujours là quand faut pas, un autre subalterne du destin, jdirais même la balance, celui qui va tout cafter pour mfoutre dans lpétrin, le collabo, la balance, le gros saligaud quoi! Bref, jlévite subtilement en baissant la tête et fonçant vers ... le miroir. (Oui, évidemment, 14m² d'appart, 14m² de miroir dans le hall, ça semble logique!). Et là c'est pas pareil tout de suite; ce qui me paraissait être une oeuvre du plus bon goût m'apparait être un assortiment digne d'Elmer ou Bozo.Besoin de décrire l'agacement, la violence, la tristesse qui se mêlèrent en moi? Encore un poids que je devrai trainer toute la journée, boarf ... un de plus un de moins ...
La galère du bus. Oui chui pauvre. Pas de sous pour le permis, pas de sous pour le bolide, donc transports en commun. Et pour être commun, c'est commun! Et la communauté c'est le partage, le partage de l'espace (même quand y'en a pas) et le partage des odeurs (surtout quand y'en a trop!). C'est à ça que tu sens la journée passer. Le matin c'est déo, parfum et shampooing et le soir transpi/dégueuli, y'en a pour tous les goûts, toutes les saveurs.M'enfin. Passons une fois de plus sur les échanges tactiles entre passagers goûtant plusou moins réticents à la proximité, jrisquerais d'être vulgaire et ça, c'est un truc que je refuse, parce qu'une fille, c'est jamais vulgaire. Bref. Je m'auto-préserve, me coupe du monde et mets en route ma séance de déculpabilisation, autrement dit, je sors mon lecteur-mp34 new-jénéreïcheun (qui fait accessoirement micro-ondes couteau suisse et kit de survie, moi jrigole pas), et me mets au fait des dernières actualités, soit une volée de différents journaux mondiaux, nationaux, internationaux, régionaux, départementaux, allant de l'ingliche au iougosselav', un topo bien varié parce que j'ai passé la soirée à me cultiver sur le câble (Je me renseigne sur les déboires dla société et la décadence de l'audiovisuel, c'est pour ma thèse et donc, c'est pas dma faute, c'est le boulot, faut que jme force à regarder dla daube, c'est pas que ça me plaise, jpréfèrerais bien Ushuaïa, mais jme sacrifie, chui comme ça! ). Bref, j'arrive. Me revoilà à bondir, parée de nouveau de mes écouteurs, la musique moi, ça me met le corps en transe, ça mdonne du peps, ça mrend toute folichonne, ça mfait arriver plus à l'heure (ou moins en retard, question de point de vue, jpréfère rester optimiste), et j'entreprends toute frétillante de parcourir les 8 bornes qui me séparent de la fac.
Une nouvelle question s'impose à moi: que faire? 1/2 heure de retard, je ne peux décemment pas me pointer comme ça pour subir le regard accusateur d'une salle entière braqué sur ma personne, ça, ça s'appelle du foutage de gueule, ni encore faire ce que le règlement m'impose, excuser mon absence, à m'écouter en quelques mois, le réseau métrobus a réduit son effectif de moitié, plus de crédibilité. Hum. Je tourne et retourne cette question dans mon esprit, la jambe active, la clope allumée, la montre qui s'affole...et, tout naturellement, la réponse s'impose à moi. 3/4 d'heure de retard ...
Boah...café?
Voilà. Ceci expliquant cela, vous comprendrez chers amis de la poésie ma mauvaise humeur matinale qui au final persiste jusqu'à l'heure du coucher. Parce que, faudrait pas déconner, si le destin est Prof, j'en ai d'autres qui m'attendent, et eux-aussi, ils comptent bien s'amuser!